Le rôle des communs dans la transition énergétique

Serge Hulne
13 min readSep 3, 2021
Source https://pixabay.com/illustrations/nature-earth-sustainability-leaf-3294632/

Introduction

Cet essai tente d’analyser la relation entre la nécessité de transition énergétique et écologique et les communs, à savoir :

“Dans quelle mesure cette transition peut-elle être opérée (ou non) à l’intérieur d’un cadre d’économie capitaliste de type néolibéral ?»

Selon certains, dont les domaines d’expertise vont de l’économie, l’énergie (énergies fossiles, énergies renouvelables, énergie nucléaire) à l’agriculture durable, il existe plusieurs modes envisageables de transition énergétique/écologique. Toutefois, certains d’entre eux (Gaël Giraud, ou Jean-Marc Jancovici, ou encore Aurélien Barrau, par exemple Ref 1 affirment qu’une transition énergétique ayant réellement la capacité de réduire nos émissions de CO2 à des niveaux nécessaires pour la survie de l’humanité à long terme, ne peut pas être séparée d’une notion de frugalité, d’économie de moyens, de « décroissance » ainsi que d’une notion de « communs » : une mise en commun des ressources, dépassant le cadre du capitalisme.

[1] La croissance, une notion qui divise

Selon d’autres intervenants, la notion de transition énergétique, visant à réduire nos émissions de CO2 par l’adoption progressive de sources d’énergie « vertes » pourrait au contraire se conjuguer avec le dogme néolibéral de la croissance. Les promoteurs de ce point de vue militent en faveur d’une notion (fort contestée par ailleurs) de « croissance verte ».

Parmi les avocats/acteurs de la transition, il y a donc deux grandes familles :

  • les partisans de la « croissance verte ».
  • Les partisans de la « décroissance ».

À vrai dire, personne ne souhaite une forme quelconque de décroissance. Celle-ci induirait une baisse du PIB et donc, à terme, une baisse du pouvoir d’achat des citoyens.
Néanmoins, une classe d’experts essaie de mettre le public en garde contre le fait que la « croissance verte » relève plus du mythe que de la réalité, dans la mesure où elle nécessiterait un découplage entre économie d’un côté et consommation d’énergie d’un autre côté. (Référence

https://www.carbone4.com/publication-decouplage).

Un autre sophisme, contre lequel les détracteurs de croissance verte mettent en garde, réside dans la notion naïve de « substitution ». Selon des experts tels que Jean-Marc Jancovici, par exemple, une simple substitution des énergies carbonées par des énergies dites « renouvelables » n’est pas littéralement possible, dans la mesure où les énergies renouvelables ou EnR (panneaux solaires (PV), éoliennes) produisent infiniment moins d’énergie au kilomètre carré que les énergies fossiles (pétrole et ses dérivés, (essence, fuel, etc.), charbon, gaz). La seule exception à cette règle étant à ce jour l’énergie nucléaire qui est comparable aux énergies fossiles en efficacité, concentration et par sa capacité à être pilotée.

La surface totale d’un pays étant limitée et la fraction de celle-ci pouvant pratiquement être allouée à des énergies renouvelables l’étant aussi, a fortiori, l’énergie totale extractible par des moyens renouvelables est elle-même limitée. De ce fait, une substitution des énergies fossiles aux énergies renouvelables s’accompagne fatalement d’une réduction substantielle de l’énergie totale disponible dans un pays. Qui dit réduction de la quantité d’énergie disponible pour un pays, dit ralentissement de son activité économique, ralentissement des capacités à produire des biens et des services, des transports, etc., par conséquent, qui dit transition énergétique vers des énergies renouvelables, dit diminution du PIB, c’est-à-dire décroissance.
Les deux grandes familles de promoteurs de la transition énergétique s’opposent sur la notion de croissance « croissance verte » versus « décroissance ».

Parmi les promoteurs de a notion de croissance verte, on trouve, entre autres: Ségolène Royal, la gauche caviar en général, le gouvernement Macron.

Lorsqu’on analyse un peu plus en détail ces deux grandes options proposées par ces deux grandes familles de promoteurs de la transition énergétique, il apparaît qu’ils diffèrent dans le modèle économique sous-jacent.
De plus, lorsqu’on regarde d’encore un peu plus près, il apparaît que la notion de croissance n’est pas le seul point crucial sur lequel ces deux grandes familles diffèrent, en effet certains auteurs (Jean-Marc Jancovici, Philippe Bihouix, Aurélien Barrau, Gaël Giraud [Ref 1])(ref1) affirment que, non seulement la notion de transition vers des énergies renouvelables implique une forme de décroissance, mais, qui plus est, que ladite décroissance ne peut pas se conjuguer de façon harmonieuse avec les dogmes du capitalisme, en particulier du capitalisme dans son incarnation actuelle : néolibéral, globalisé, autoritaire, censitaire, dogmatique, répressif; un reliquat obsolète, Reagano-Thatchérien, des années ’80.

[2] Les limites du capitalisme néolibéral

L’école de pensée qui affirme, sur la base d’observations et d’analyses extrêmement solides Ref 1 que transition et décroissance sont liées est donc d’avis qu’un modèle économique, social, dépassant le cadre du néolibéralisme doit être développé de sorte à pouvoir intégrer la notion de transition énergétique avec le maintien de l’harmonie sociale, les nécessités essentielles de la vie en société : emploi, santé, logement, chauffage, nourriture, éducation, culture, vie sociale, cohésion du groupe.

C’est sans doute là que se situe le plus grand clivage entre les deux familles de promoteurs de la notion de transition.

Les partisans de la version décroissante de transition argumentent que celle-ci ne peut pas avoir lieu dans un cadre néolibéral, mais, qui plus est, qu’elle nécessite le retour en politique, en philosophie, vers une notion de « communs » remise au goût du jour.

[3] Les communs

Par communs (c’est-à-dire « biens communs ») on tente de traduire la notion anglo-saxonne de « Commons » qui va au-delà de la notion de bien commun en désignant généralement : les biens communs (l’eau, les forêts, les infrastructures, etc.), mais aussi : les pratiques et usages communs, etc. c’est à dire les choses que les citoyens ont en commun, en partage, pour le bon fonctionnement de leur type spécifique de société (qu’il s’agisse d’une société tribale africaine, d’aborigènes d’Australie ou bien de la société occidentale contemporaine), en bref : ce qui fait l’âme d’une nation.

De quoi s’agit-il dans la pratique ?

Sans vouloir donner de liste exhaustive de ce que l’on entend par communs, on peut néanmoins mentionner :

Exemples de communs.

La notion de transition décroissante s’oppose sur ce plan au capitalisme brut néolibéral, dans la mesure où, pour compenser la diminution de l’énergie disponible, une augmentation de la notion d’efficacité est nécessaire ainsi que la notion de mutualisation, de mise en commun des ressources, des efforts, des infrastructures, des biens, des services.

Cette notion n’est pas une notion politique. Si elle présente des similitudes superficielles avec la notion politique de socialisme ou de communisme, en réalité les motivations sont toutes autres dans ce cadre précis. Ces motivations sont avant tout des impératifs de survie, d’efficacité, de frugalité, de mise en commun, de planification (produire ce dont le peuple (la majorité des citoyens) a besoin par opposition à produire ce qui enrichit une minorité sur le dos du peuple, tout en détruisant la flore, la faune, en épuisant au passage les ressources animales, végétales et minérales de la planète et en accélérant le dérèglement climatique (CO2 ou pas…)
Qui dit « moins d’énergie disponible » dit « mettre des moyens en commun ».

Un des aspects Ref 2 de la décroissance réside donc la nécessité de substitution de la notion de « loi du marché », propre au capitalisme, par une notion de « planification ».
L’énergie disponible et les ressources disponibles étant plus chiches, la simple loi du marché ne suffit plus à assurer le fonctionnement optimal de la société dans son ensemble : la planification devient nécessaire.

[4] L’impératif de décroissance

Références: Ref 1, Ref 11

[4a] l’impératif de résilience

Le dérèglement climatique s’accompagne d’événements météorologiques catastrophiques d’ampleur allant en croissant. Il est nécessaire pour la survie nos sociétés, pour la survie de l’espèce humaine, de faire preuve de plus de robustesse, de plus de résilience, tant sur le plan social que sur les plans des processus de production industriels, de production d’énergie, de gestion des infrastructures, etc.

  • Tout ce qui relève de technologies (high-tech) est intrinsèquement complexe, donc fragile, autant sur le plan technique (équipements complexes donc fragiles) que sur le plan logistique (filière d’approvisionnement distantes, par transport de containers, souvent dans un cadre d’exploitation néo-colonial, etc.)
  • Tous les systèmes humains, technologiques, industriels qui sont profondément centralisés, profondément hiérarchisés, sont beaucoup plus vulnérables que leurs alternatives qui sont en réseau, ou encore fédéralisés, horizontaux, etc.
  • Entre deux systèmes de production, celui qui coûte le moins d’énergie, le moins de ressources et qui est le moins complexe est le plus résilient. De ce fait, par exemple, la bio agronomie est plus résistante que l’agronomie basée sur la chimie, les intrants, les engrais azotés, les OGM et autres manipulations high-tech qui eux nécessitent des investissements dans des laboratoires de haute technologie.

[4b] Les impératifs de l’économie circulaire

  • Recyclage des métaux (par opposition à l’extraction des métaux dans des pays en voie de développement, et transport par cargos containers polluants dans le cadre de la globalisation).
  • C’est le talon d’Achille des notions de transition qui s’appuient exclusivement sur les EnR. Ceux-ci sont extrêmement voraces, dans leur manufacture, en énergie, en béton, en métaux (Cu, Zn, Fe, etc.). De ce point de vue, l’énergie nucléaire est un des « ponts » possibles qui permettrait de sauver l’humanité en permettant à nos sociétés de perdurer jusqu’à la mise au point de solutions plus efficaces, comme la fusion thermonucléaire contrôlée.
  • Alternativement, l’énergie nucléaire peut servir d’« amortisseur de décroissance » (terme proposé par Jean-Marc Jancovici) en nous permettant de gagner le temps nécessaire pour une transition « douce » (« planifiée » par opposition à une transition « subie ») de nos sociétés énergivores vers des sociétés consommant progressivement de moins en moins d’énergie. Ceci pourrait se dérouler dans une relative sérénité si nous trouvons le temps (et l’énergie) nécessaires pour sa mise en place. C’est précisément le but essentiel de tout projet de transition énergétique. Ref 10

[5] Exemple de communs au niveau de l’humanité

[6] Les détracteurs de la notion de communs

De même que le lobby du tabac influençait la politique américaine en particulier et la politique mondiale en général, par la suite les lobbies des énergies fossiles ont à leur tour influencé la politique et les médias en ayant recours aux mêmes agences de publicité/communication Ref 3 et donc aux mêmes grossiers stratagèmes pour manipuler l’opinion. Il est clair que certains lobbies, dont ce n’est pas l’intérêt, sont farouchement opposés à la notion de communs, à la notion de décroissance parce que ça va à l’encontre de leur schéma d’exploitation des biens et des personnes dans le cadre du capitalisme néolibéral (leur « business model »).

Les lobbies en question et les groupes qu’ils représentent essaient au contraire de faire main basse sur les communs à l’échelle nationale et à l’échelle de l’humanité, de sorte à :

  • En avoir le monopole.
  • Revendre au prix le plus fort ce qui est un bien commun gratuit au départ.
  • Remplacer la distribution d’un bien commun par un autre mode de distribution lucratif et privatif (par exemple : vendre de l’eau en bouteille, au lieu d’améliorer la qualité de l’eau du robinet).
  • Cette prédation et cette mainmise ne se limitent pas à des denrées de base, comme l’eau ou la nourriture, elle s’étend à des biens plus abstraits, comme encore la finance, la santé (les assurances maladie, etc.), l’éducation. Dans cette optique, des fonds d’investissement privés font du lobbying dans le but de tenter de se substituer à la sécurité sociale, aux caisses d’assurance maladie, à l’éducation nationale etc. comme, par exemple, BlackRock Ref 3 qui démarche auprès du gouvernement français dans le but de se substituer aux caisses d’assurances maladie.

Outre les lobbies des énergies fossiles, les banques, les fonds d’investissement privés, les « hedge fonds », d’autres acteurs, dans l’ombre, œuvrent au sabotage de la transition écologique pour satisfaire leur soif d’argent, de pouvoir, d’influence et leurs idéologies totalitaires, dans un ultime effort nihiliste d’hégémonie.

Parmi ceux-ci on peut nommer :

[6a] Exemples de conflits, décroissance vs. “Business as usual”

[6b] Exemples divers

Selon cette source Ref 4

Dans le Morvan, les forêts de feuillus sont saignées par les coupes des exploitants forestiers qui replantent à leur place des résineux, plus rentables à court terme. Mais cette sylviculture intensive appauvrit les sols et met en danger la biodiversité.
Dans d’autres régions. C’est autour du roi de la forêt, le chêne, que se joue une guerre commerciale coûteuse pour l’économie française. Un chêne sur quatre est exporté brut vers l’Asie. Face aux acheteurs chinois qui font monter les prix, les scieries françaises ont du mal à s’aligner et réclament de nouvelles règles. Mais les propriétaires de forêts s’y opposent.
En août 2019, Emmanuel Macron proclamait “Nous sommes amazoniens” à propos de la Guyane. Dans la foulée, il repoussait aux calendes un énorme projet de mine d’or, la « Montagne d’or ». En réalité, derrière ce coup de com’, plusieurs autres projets pourraient bien voir le jour dans la forêt. Face à ces menaces, les citoyens se heurtent bien souvent à un adversaire inattendu, l’état.

[7] Le potentiel d’une économie verte pour l’emploi et la stabilité sociale

Pour une croissance verte et pour une forme alternative de « croissance » si on élabore un autre critère que le PIB pour juger de la bonne santé d’une économie et d’une nation.
(Ref 8 : Gaël Giraud : Alternatif au PIB comme index)

[8] Économie de décroissance:

Conclusion (Tableau récapitulatif)

Liens / Références

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  • Nathalie Arthaud
  • https://youtu.be/_1yi51Fqwjc
  • Candidate pour la troisième fois à l’élection présidentielle, Nathalie Arthaud est l’invitée de Face à l’urgence, l’émission politique du Média qui se concentre exclusivement sur les thèmes de l’écologie et du climat.
  • La porte-parole de Lutte Ouvrière, parti d’obédience trotskiste présent à l’élection présidentielle depuis 1974, détaille longuement quelles solutions son courant politique propose pour mettre fin à la crise écologique et climatique.
  • Sur le plateau du Média, celle qui est agrégée d’économie et enseignante, revient notamment sur les questions énergétiques, en particulier sur le nucléaire et les énergies fossiles. Elle précise quelles modalités elle croit possibles et ce qu’elle estime inenvisageable. Le tout, selon la candidate, conditionné par l’abolition du capitalisme et le contrôle ouvri

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Serge Hulne

Author, scientist (Physics PhD), philosophy, Sci-Fi, thrillers, humor, blues and Irish music, green energy, origins of consciousness.